Guatapé
Guatapé est une étape quasi obligatoire aux alentours de Medellín: on ne dérogera pas à la règle en bons touristes que nous sommes.
On quitte donc l'agitation de l'immense mégalopôle de Medellín pour deux jours de calme (relatif toujours) dans ce petit village excentré.
Après une heure et demi de bus vers l'Est à tournicoter entre les montagnes, on aperçoit el Peñon de Guatapé ou la piedra del Peñol.
Vision complètement surréaliste, c'est le 2ème plus haut monolithe d'Amérique. (après le Pain de sucre de Rio de Janeiro)
Un énorme caillou de 220m, planté au milieu des collines, on se demande vraiment quel géant l'a laissé tomber là...
En 1954, un alpiniste a grimpé pour la première fois ce gros rocher en 5 jours et en est devenu l'heureux propriétaire. Le très heureux et très riche propriétaire puisque c'est devenu l'attraction principale du coin... Sa famille y a installé des escaliers (659 marches) des restaurants, des bars, des magasins, une quarantaine de voies d'escalade et fait payer l'entrée... un beau patrimoine naturel totalement privatisé!
Mais ce n'est pas le sujet! L'important c'est qu'on a gravi ses marches (et même une centaine de plus puisqu'on a naïvement débuté au niveau de la route) et du coup je peux vous dire que la vue se mérite!!
Mais qu'est ce que c'est beau!!
À 360° des collines et de la verdure et le lac artificiel, immense, qui se dessine comme un tableau d'art naïf.
Le niveau de l'eau est très bas, laissant apparaître une bande rouge qui entoure chaque île et chaque presqu'île comme pour insister sur des contours dessinés au feutre.
à flanc de Piedra
659 marches, les doigts dans le nez
C'est-y-pas un beau gros caillou, ça?
Dans la série "cadeau pourri": l'horloge arepa et saucisses
Le lac est donc artificiel, il est alimenté par trois rivières dont la sortie a été bloquée en aval dans les années 70 pour installer une centrale hydroélectrique qui permet à la région (historiquement dépendante des autres en énergie) de vendre son électricité au Venezuela, Equateur, Perou et jusqu'en Argentine!!!
Évidemment cela ne s'est pas fait sans sacrifices... 6365 hectares ont été inondés. Et un village ancien de 3 siècles.
Les habitant du vieux Peñol ont été relocalisés dans un village tout beau tout neuf tout bétonné à quelques kilomètres de là: le nouveau Peñol. (Si le nom vous dit quelque chose c'est que vous mangez des tomates de luxe; ils sont "tomateros" et leur production est exportée en France et en Italie.)
Ça a été evidemment un drame pour la population locale, d'autant plus que le bonhomme chargé d'organiser ces travaux titanesques était un alcoolique colérique notoire, qui quand le prêtre du village a demandé à ce qu'on laisse les deux tours de l'église en place pour laisser au milieu du lac un lieu de mémoire qui dépasse de l'eau, a carrément fait exploser l'église et les maisons autour avant de les inonder. Une fois le vilain viré, le successeur du prêtre aura finalement réussi à faire construire une colonne surmontée d'une croix à l'emplacement de la place, et depuis, chaque année, en Janvier, une messe flottante est célébrée en souvenir sur le lac.
Depuis sa création, le lac a transformé la vie de tous les locaux. À l'origine cultivateurs et fermiers, ils sont devenus pêcheurs ou vivent du tourisme. Outre la grimpette au Peñon, on visite beaucoup le lac aussi. Pour y admirer l'Isla Fantasia, petit havre de tranquillité avec quelques cabanes peu chères à louer pour une nuit ou une semaine de pur repos et romantisme (elle est réputée aussi pour qu'on y arrive à deux et en reparte à trois...)
En face, l'île aux cabañas Charlee Luxé, énorme batiment anciennement utilisés par les narcotrafiquants à présent transformé en hôtel résidence de luxe, avec son golf, son spa, son héliport toujours en fonction c'est quand même vachtement classe.
Toutes les maisons des célébrités, une actrice colombienne icône de la mode, un joueur du Real Madrid, un autre de l'équipe nationale, et évidement la magnifique propriété de Pablo Escobar, du moins ce qu'il en reste, sa célèbre discothèque (qui a fermé seulement il y a quelques mois) la "marquise" la maison de sa mère, celle de ses majordomes, celle de son amante, son écurie, ses piscines et son magnifique jardin. Il était amateur de tout ce qui est cher pour asseoir son pouvoir bien sûr mais de ce qui est rare également. D'où un goût prononcé pour les arbres exotiques venus d'Amérique du Nord, d'Europe, de Madagascar, d'Asie... magnifique jardin!
l'ancien complexe des narcotraficants
les maisons modestes de footeux modestes
la maison cadeau d'Escobar à sa maîtresse
un gros caillou qui tient bon
Outre ses "attractions" nous sommes venus pour le village de Guatapé.
Il nous faut prendre un gros bus en bois, un shiva, pour le rejoindre. Énorme bus multicolore et plein de lumières et néons clignotants, ça ressemble plus à une boîte de nuit ambulante qu'à un transport public... et pourtant quelle efficacité!
Le quart d'heure de route passe vite, on fonce à toute vibure, avec la musique à fond, tout le monde danse et chante à tue-tête les derniers tubes de l'été.
Les tuktuk sont décorés de la même façons et certains ont visiblement les mêmes enceintes... on se demande vraiment comment font les colombiens pour ne pas être tous sourds...
C'est un des villages les plus dynamiques et surtout un des plus colorés du pays. Dans les années 20 un artiste peignait sa maison pour les fêtes de Pâques, puis comme c'était joli plusieurs voisins lui ont demandé de décorer leurs façades.
Finalement dans les années 70 quasi toutes les maisons se sont ornées de "zocalos" ces frises sculptées et peintes, représentant le métier ou les passions de chacun des habitants, plus simplement des formes géométriques ou des fleurs...
Avec l'inondation de la vallée et du village, il a été décidé de sauver quelques uns des zocalos voués à disparaître et de les replacer dans une des rues principales. Ce sera la "calle del recuerdo" (rue du souvenir), le symbole du village.
Et aujourd'hui que ce soit dans le centre ou les petites maisons aux alentour, elles sont toutes décorées de zocalos.
quand les tuktuk sont aussi bariolés que les maisons... ou l'inverse
le bâtiment le plus sobre
On comprend pourquoi c'est un incontournable, le charme de cette petite ville est indéniable et on aura pris beaucoup de plaisir à flâner dans ses ruelles.
Mais une fois qu'on en a fait le tour, c'est à dire en deux jours, on ne sait plus trop quoi y faire, alors retour sur Medellín où nous attend Cathie pour une visite du centre ville et des célèbres quartiers de la Comuna 13 et Morovia.
