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Jubilados en Gto

Madame est belle, et elle a le chic de Washington DC.

Du haut de ses 53 ans, madame est d'une élégance remarquable dans ce petit café baroque.

Un port de tête de danseuse étoile. Son carré plongeant immaculé éblouit sa robe noire, trop simplement taillée pour ne pas être d'un grand couturier.

Son sac de cuir, de manufacture locale, est assorti à ses lèvres rouges carmin et à ses escarpins.

Elle a le sourire de ceux qui ont de l'assurance, elle a l'assurance de ceux qui ont les moyens.

 

"I've never seen you before, come on, sit closer"

Naturellement, je m'exécute.

Je ne sais pas si c'est un accueil chaleureux ou une marque d'autorité. Mais je m'exécute sans hésiter.

 

Elle raconte, elle se raconte, dans un anglais parfaitement intelligible. Je ne sais pas si c'est un accent ou si elle présuppose que je comprends mal. Mais j'apprécie.

 

Je viens d'arriver au Mexique, je ne connais personne ici, ni la ville, ni la langue: "oh, it's soooo refreshing!!" me sourit-elle d'une voie suraigüe.

Elle s'autoproclame 'aidante'. Elle a beaucoup à m'apprendre.

À commencer par la bière locale que je viens de commander "ils disent que c'est IPA, mais ça n'en est pas, ils ne savent même pas ce que cela veut dire"...

 

Madame est une artiste. Donc elle a vécu à Paris. Pendant 5 ans. Elle connaît bien. Et pour se ressourcer, elle passait ses weekends à Aix en Provence. "Such a woooonderful ride to go to the villa!". Je tente innocemment quelques mots en français, son sourire se crispe: faut pas trop en demander. Ou il ne faut pas l'interrompre, je ne sais pas. Mais je la laisse docilement poursuivre.

 

Voilà 6 mois qu'elle s'est installée à Guanajuato. Elle pourra partager tous ses"tips and tricks".

Elle m'explique où aller faire du "vrai" yoga, parce qu'ici il y a beaucoup de gens qui se disent yogis mais qui n'en ont une connaissance que par youtube.

Elle m’enjoint à aller au théâtre Juarez, pas les autres théâtres qui ne mettent en scène que des amateurs ou des étudiants.

Elle me donne l'adresse de la seule cave à vin qui vale le détour. L'adresse DU restaurant français de la ville "soooo delicioso".

"Oh, you like lindy hop?! So Nice! I know exactly where you have to go dancing"...

Elle parle, elle parle et j'avoue que je me délecte d'écouter de l'anglais. C'est surprenant comme une langue plus familière bien qu'étrangère, est reposante à entendre.

Depuis quelques jours je n'entends parler qu'espagnol autour de moi, et mes souvenirs du lycée ne sont définitivement pas suffisants pour appréhender les mexicains.

 

D'où ma venue ce soir là, à "el intercambio".

À chaque table un ou une mexicain(e) qui veut pratiquer l'anglais, et des étrangers de tous horizons qui veulent perfectionner leur espagnol. Ça discute 20 minutes en espagnol, 20 minutes en anglais, et on alterne pendant 2 heures. Voilà 3 jours que j'ai commencé les cours, les autres participants, pour la plupart sont des américains qui vivent à Guanajuato. Pourvu qu'ils soient indulgents!

 

Quand la salle se remplit, je suis ravie d'avoir déjà rencontré au moins une personne. Beaucoup d'habitués. Une étudiante mexicaine à peine majeure dirige notre groupe. Chacun y va de son petit discours de présentation. Madame, très appliquée griffonne quelques notes sur son carnet. Je me sens mauvaise élève. D'autant que m'exprimer est laborieux. Mais Madame me rassure de son sourire mi-rassurant mi-méprisant.

Et puis vient son tour; elle ne dit rien. Toute la tablée la regarde, notre jeune guide de conversation répète timidement: "puedes presentarte?" et dans un immense sourire madame conclue: "Sí, sí".

 

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Madame raconte, madame impressionne, madame pavane mais pour comprendre et parler une langue qu'elle étudie depuis 6 mois: bernique!

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