SEMUC CHAMPEY
"Là où la rivière se cache sous les pierres"
(Efficaces les mayas: 2 mots là où on en a besoin de 9!)
Le bus du matin
Alors déjà, faut vous parler un minimum du trajet pour arriver là.
Nous embarquons dans un shuttle direct Antigua-Lanquín (la ville la plus proche) puis l'hostal se chargera de nous acheminer de Lanquín à notre chambre.
4h41 d'après maps.me.
8h d'après la vendeuse des tickets.
D'après tous les blogs, 10 h de route.
Et en vrai finalement: 11h de bus.
Pour 312km.
Si, si.
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Et 1900m de dénivelé négatif.
On n'était pas passé sous la barre des 1600m d'altitude depuis Roissy Charles de Gaulle.
Quelle étrangeté, on se retrouve à 300m!
On réalise aussi que depuis 4 semaines on n'a jamais vu de lignes droites sur les routes guatémaltèques.
Bah ça ne sera toujours pas pour cette fois. On zigue zague entre les montagnes à contourner et des vallées, des collines, on passe notre temps à tournicoter, à monter, à descendre... rien n'est jamais plat dans ce pays!
Bref, on avance laborieusement sans dépasser les 40km/h.
Puis, peu après la dernière grande ville, Cobán, on quitte la route goudronnée. Nous voilà sur une piste pierreuse plutôt inégale pour descendre dans une vallée étroite. Au bout de 300m on passe a coté d'une voiture plantée quasi verticalement dans le talus. Encourageant...
Une heure et demi à se faire secouer dans un paysage fantasmagorique de jungle épaisse sous le soleil couchant.
C'est superbe mais quand on arrive à destination on ne voit plus rien: nuit noire.
À la sortie du bus on se fait hurler dessus par le nom de nos hotels:
"¡BUENA VISTA!, ¡GREENGOS!, ¡VIAJEROS!..." on se met à l'écart pour attendre le chauffeur de notre Aruma eco-hostal.
Un pick-up prend nos bagages et demande si on veut rentrer dans la cabine ou rester à l'arrière.
Un peu mon n'veu qu'on va se mettre derrière!! C'est quand même mille fois plus marrant!!
Il nous annonce qu'on a 35 minutes de piste et qu'il faut faire attention aux branches.
Youhou!! Ces 35 minutes là valent déjà les 11 heures du précédent trajet!!!
Les phares n'ont que peu de temps pour prévenir: ça monte, ça descend, ça saute, ça secoue dans tous les sens sur notre piste au milieu de la jungle: c'est super!
On devine des montagnes autour, des champs peut être, des branches de palmiers géants, on ne s'étonnerait pas de voir surgir un ptérodactyle au dessus de nos têtes.
Et puis de la musique au milieu de rien. Et on s'arrête.
Bon sang mais où est ce qu'on est tombés!?!
À deux heures de la première route goudronnée, on arrive dans un hôtel perdu au milieu de la jungle, avec la musique à fond.
Techno house, 4 pelés dans une grande salle ouverte dansent en s'envoyant des shooters. En nous voyant arriver le patron nous accueille et nous présente à l'assemblée en criant fort pour tenter de couvrir la musique: "¡Chicos! ¡Aquí son Isabel y Bruno! ¡Bienveniiidooos a Arumaaa!"
Ok...
Ambiance fuerte. la fête bat son plein
un esprit de la forêt qui cherche à voler les serviettes de bain
Dans un film, quand ça commence comme ça, on passe une super soirée à boire, rire et danser et on se réveille le lendemain dépouillés avec une barre au crâne et des cicatrices parce qu'on nous a enlevé un rein, un bout de foie et un poumon pour un trafic d'organe.
Faut vous parler de cet hostal;
Notre chambre est sous les combles: le toit c'est une tôle ondulée métallique.
Des panneaux de bois reconstitué font office de murs. Mais en fait on est clairement dans le dortoir. Il manque 15cm de hauteur pour fermer la pièce.
Une fenêtre donne dessus d'ailleurs. Et l'autre sur l'extérieur. Pas de double vitrage ou de simple vitrage: on est au zéro vitrage: juste une vague moustiquaire et un voilage. Pour l'intimité.
Le lit est au format guatémaltèque: 1m70 de long. Même nous on a les pieds qui dépassent.
Pas d'eau chaude dans les douches.
Pas de machines pour laver le linge.
Pas d'eau potable à dispo.
La piscine est tellement petite et sale que même les crapauds n'y vont pas.
Évidemment pas de wifi, et le téléphone ne passe pas non plus.
Par contre le mojito est à 1,75€.
Dans le film dont je vous parlais ça n'aurait pas été autrement!!
Bref, on est roots mais pas si mal, on dort comme on peut au milieu des bruits de la jungle subtropicale; entre les insectes, les oiseaux, des cris de singes et d'autres trucs inidentifiables...
notre chambre de bobos à l'écart de la masse populaire
c'est le Ritz!
la clinique du trafic d'organes
Titre 5
au petit matin, sur la route qui mène à Semuc Champey
On n'est qu'à 35-40 minutes du site de Semuc Champey à pieds.
La route est superbe, encaissée entre les montagnes. Entre les cacaoyers, les caféiers, les maïs et autres grands fruitiers sauvages on ne croise que peu de maisons.
Une grande qui fait "arabe du coin" ou bien "maya au milieu de rien" je sais pas comment on dit ici... une petite avec un gamin qui nous propose d'acheter ses oranges et une autre avec une gamine qui nous propose son chocolat.
L'entrée du site, c'est un désordre très bien organisé.
Ça crie, ça houspille, ça aboit, ça s'agite, mais chacun à sa place.
Les crieurs pour les transports, les crieurs pour attirer dans les restaus, les crieurs pour virer les chiens errants, les crieuses vendeuses d'eau, les enfants vendeurs de chocolat, les crieurs - guides, les autres vendeurs en tous genres.
À l'intérieur du parc, quelques chemins très bien entretenus nous font slalomer à travers les bois.
Beaucoup sont des escaliers ou passages sur pilotis en bois. L'eau s'écoule de la montagne vers la rivière en nappe, pas en ruisseaux.
Et alors cette rivière: enfin de l'eau belle et transparente!
Les sédiments la rendent turquoise, vert jade ou bleu ciel selon l'orientation du soleil. C'est magnifique!
L'attraction principale c'est la baignade dans la multitude de bassins d'eau cristalline formés par les dépôts de calcaire.
L'eau est belle et les poissons peu farouches. Voire un peu familiers; à peine rentrés on sent déjà quelqu'un nous chatouiller les pieds, nous croquouiller les cuisses, nous picorer le dos.
Ils sont nombreux et ils ont faim!
Ce qui est surprenant c'est que quand on se baigne dans ces bassins on ne se baigne pas dans la rivière Cahabón mais au dessus.
En fait, nous sommes sur une sorte de pont de roche créé par les écoulements de sédiments ocres (un peu le même fonctionnement que des stalactites) mais le gros du courant passe en dessous: comme dans un tunnel. C'est assez drôle d'aller voir l'endroit où l'eau disparaît sous nos pieds et où la rivière réapparaît en aval des piscines, 300 mètres plus loin.
ce sont les vraies couleurs. c'est fou, non?!
l'appel de l'eau se fait sentir
les patinoires sur pilotis
plus glissant qu'une patinoire, le pont en bois dans une jungle humide
Et l'eau passe en dessous
pour ressortir 300m plus loin
Un très joli petit chemin de bois nous fait prendre de la hauteur; de quoi s'apercevoir que les arbres sont immenses ici et que beaucoup ressemblent à des arbres de contes de fée.
Et en haut, un petit mirador de bois permet une vue d'ensemble et de prendre LA photo instagram.
Et ben évidemment qu'on la prend aussi, nous! 😆
les marches de travers, c'est pas un effet d'optique
et donc, en dessous de ces bassins coule une rivière
encore un endroit idéal pour faire trempette
Sur la rive d'en face, en aval, un très beau chemin aménagé amène à la cuerva K'aban: la grotte aux chandelles.
On part avec une famille guatémaltèque, une 10aine de personnes, des ados, des mémés, en maillot de bain, baskets aux pieds et une bougie à la main.
En file indienne dans les sentiers pour rejoindre la grotte je vous laisse imaginer cette procession étrange...
On avait clairement l'air con, mais qu'est ce qu'on s'est marrés dans cette grotte!!
Vous aviez déjà imaginer visiter une grotte immergée, à moitié canyonning à moitié spéléo?
Nager entre les stalactites une chandelle à la main?
Le noir complet deux mètres au-delà de l'aura de la petite flamme, on se sent comme des explorateurs. Bruno entonne la BO d'Indiana Jones et fait marrer le monde. C'est exactement ça.
Une file indienne donc, dans notre couloir sombre, on marche au bord du courant, puis on nage dedans, des échelles en ferraille pour s'immiscer entre les parois étroites et remonter la rivière souterraine, une petite cascade à grimper à la corde à nœuds, un toboggan cascade, se jeter de 2/3 mètres dans le noir, à la confiance entre les rochers...
Ça crie, ça rigole et personne ne pense à avoir peur: les papys-mamies avec leurs gilets de sauvetages avancent admirablement!
Je me demande quelle administration peut autoriser une activité pareille avec zéro système de sécurité valable. J'aurais pu installer la ligne de vie, tellement c'est de la débrouille.
Bruno trouve assez drôle de visiter un tel parcours dans un pays renommé pour ses tremblements de terre.
Judicieuse remarque, et je le remercie de l'avoir énoncée seulement à la sortie...
En discutant avec les "vieux" on s'accorde sur le fait que c'était extraordinaire. Je leur précise que jamais en France on ne pourrait proposer ça dans les mêmes conditions au grand public, on me répond "ah ces européens qui ont toujours peur de tout: on n'a plus le droit de rien faire!"
"Gardez bien ce souvenir dans le cœur et l'esprit: c'est le Guatemala qui vous l'offre"
¡Gracias guatemaltecos!
défilé de soleils à la chandelle
soleil se prenant pour un phare
soleil tout mouillé
Toutes nos excuses pour les photos de soleils tout nus, nous ne sommes pas équipés pour le reportage photos en milieu aquatique. on est donc allé puiser les photos sur internet. Il n'empêche que nager avec une chandelle entre les dents dans une grotte inondée restera une expérience extraordinaire pour nous deux.