top of page

SUESCA

IMG_20191221_161851.jpg

La petite ville de Suesca et ses 14000 âmes bénéficient depuis quelques années un atout touristique majeur: les falaises!

 

Clairement, à part ça, y'a pas vraiment de raison d'y aller. 

La ville elle-même n'est ni pittoresque, ni vivante, ni colorée, ni historique ou culturelle... 

La seule animation se retrouve dans les magasins et les agences de sports qui se sont installés là pour accueillir les grimpeurs. 

Quoique souvent fermés... 

Il y a un mois et demi de soleil par an ici. On est en plein dedans. Youhou!

Et pour autant en semaine, pas un restau d'ouvert le soir. Et pas une boutique pour nous vendre le topo. Il faudra attendre l'affluence du weekend. 

Parce qu'un touriste en attirant d'autres, Suesca est devenue une destination assez prisée pour les weekends des bogotanais plutôt aisés en recherche de calme et de nature. On n'est qu'à 65km de la capitale mais on a cette impression d'être au milieu de rien, juste des montagnes, quelques jolis lacs, des grottes et donc belles ballades pédestres ou cyclables.

 

Nous logeons chez Felipe, dont les petites chambres ont l'avantage d'être peu chères et au plus proche du site d'escalade. 

On realisera un peu plus tard que la-dite chambre est moins bien isolée qu'une tente: on caille sévère et on se fait bercer par le bruit de la circulation de l'unique route d'accès au village. 

Heureusement l'accueil amical et la générosité de Felipe compense le confort relatif. 

WhatsApp Image 2019-12-22 at 21.28.52.jp
Le centre-ville de Suesca en pleine ébullition...

Grimpeur depuis toujours, il fait parti des créateurs de la toute première salle d'escalade de Bogotá, et connaît son site naturel comme sa poche. Et encore, comme s'il n'avait jamais changé de pantalon!

Très impressionnant! Pas besoin du topo, il nous concocte chaque soir le programme d'escalade du lendemain. 

Le topo recense 300 voies, Felipe en connaît 500. Alors sur photo il nous dessine les "rutas" de tête, en plaçant les spits, les relais sur chaque roche: "Là tu vois c'est "la mierda"*, et ben sur la photo y'a des arbres, mais maintenant c'est accessible, donc tu vas juste à sa droite et tu vas trouver une toute nouvelle voie, bien équipée. Et si tu la sens pas, il y a un chemin sur le côté, tu fais le tour "con mucho cuidado" et tu vas poser ton "yoyo"**... et il va nous en faire des petits dessins et des recommandations! Et c'est qu'on en avait drôlement besoin! 

Non seulement les trois quarts des voies ne sont pas décrites, mais surtout les trois quarts sont mixtes et en trad.

Même dans les grandes voies, au relais, il peut ne rien avoir d'installé du tout.

Un soir autour de quelques bières, Andrès, ami et collègue de Felipe, guide et moniteur d'escalade également, nous parlera de ces français qui étaient blancs comme un linge en grande voie en découvrant le relais sur coinceurs... 

Il fait aussi partie des secouristes de la falaise, on parle sécurité, accidents et des différentes manières de grimper selon les pays. Il trouve dangereux notre façon française de  redescendre. "Ya personne pour vérifier tes manip, ton nœud etc... vaut mieux descendre en rappel!" Mouaif. On n'aura pas bu assez d'alcool pour se faire convaincre: ya personne non plus pour vérifier ton rappel... et ya plus d'accidents en rappel qu'en descente en moule.

IMG_20191217_171449.jpg
Pas besoin de point de sécu: la Vierge veille sur les grimpeurs
IMG_20191217_143852.jpg
Ballade en reconnaissance
WhatsApp Image 2020-01-01 at 13.46.11.jp
Quand t'as pas de slackline

Suesca c'est le berceau de l'escalade colombienne. 

Des voies écoles et des voies très exigeantes, du 4 au 8b+. Un après midi à côté de nous s'installe une bande de potes. Tranquillou, comme on irait à la pétanque, ils boivent du thé, fument de l'herbe, écoutent un peu de musique swing et ils se préparent à grimper. Il leur manque un assureur: Bruno en assure un qui s'attaque à une belle 7a+. À coté ça s'acharne sur une 7c. Et je m'installe pour regarder un petit gringalet se battre contre un mur lisse en 8a+. 

Bon sang que c'est beau!

Moi je venais de m'avouer vaincue par une (officiellement à Suesca) 5c, qui a fait de mes bras de la compote, et que je n'aurais finalement sortie que le lendemain!!!

Ouaip: tous les niveaux!

 

En tous cas, il est là le souci. Des voies, mais pas de points de sécurité. On n'était pas prêts. 

On a vu 'free solo'*** et malgré la beauté des images, ça n'a pas éveillé en nous une grande attirance pour la mort ou la tétraplégie...

Mais ici tout le monde se prend pour Alex Honnold: des cinglés. 

Au moins jusqu'au premier point. Toujours haut, trop haut. Saffres n'a que bien se tenir: il n'est pas rare que le premier point soit vers 9 mètres. Si ce n'est plus, "mais t'inquiète c'est très facile!" qu'y dit, Felipe...

 

Bref, on savait que le site avait la réputation d'inviter à la modestie, nous on parlera plutôt d'école de l'humilité.

Pis une école à la dure. 

 

Non seulement les difficultés sont réputées sous cotées, les points trèèès rares (tu m'étonnes que 6 dégaines suffisent: ya deux spits sur une voie de 25 mètres!) mais en plus, assez souvent un joli petit gaz... 

​

Dur de trouver du positif là dedans, beaucoup de dévers, des roches qui bougent, des fissures et des arrêtes qui font peur. On débute parfois sur une vire déjà à quelques dizaines de mètres du sol et n'espérez pas un anneau pour vacher l'assureur. 

Il faut jouer avec ses petits bouts de doigts, (d'ailleurs mon téléphone ne reconnait même plus mon empreinte digitale), les ongles du gros orteil, son meilleur sens de l'équilibre vu que rien n'est droit, pincer, poser des plats de main et mettre en œuvre toute sa force en gainage jusqu'à découvrir des drôles de muscles qu'on ne connaissait pas. (C'est quoi ce truc courbaturé sous l'omoplate?)

WhatsApp Image 2019-12-22 at 21.27.54.jp
"Le mental, c'est dans la tête!" ;-)
IMG_20191221_134402.jpg
Vous le voyez le premier point?
DSC01026-2.jpg
Des grands mabouls je vous dis!!
WhatsApp Image 2019-12-22 at 21.49.15.jp
Des ptis toits, des ptits toits, encore des ptits toits!

Alors évidemment je râle, je rouspète et je ronchonne mais c'est juste l'orgueil qui parle: ce que ça fait du bien et qu'est ce que c'est beau!!

 

4km de falaises magnifiques surplombant une voie de chemin de fer, une belle campagne qui pourrait tout à fait être berrichonne. 

À quelques détails près...

Chaque vache en contre bas promène son pic bœuf, il y a un peu trop de bougainvilliers et d'arbres fruitiers pour le Berry et puis cette falaise est recouverte de Barba de San José, ou cheveux d'ange.

Dire que que je me suis acharnée à tenter de les faire survivre maigrement dans ma salle de bain, et qu'ici c'est de la mauvaise herbe qui envahit tout!

​

La petite voie de chemin de fer était trop bien entretenue pour être abandonnée: on y a croisé une mini locomotive toute mimi qui fait quelques allers retours entre le camping plus loin et la ville, et des chariots en bois dignes des BD de Lucky Luke.

Vision presque surréaliste: un pingouin en costume trois pièces apportant sur son chariot à nappe blanche des antojitos, du vin, du champagne dans des flûtes pour des bogotanais en excursion "nature chic" au pied des falaises!

DSC01003-1.jpg
Tout ce périple pour prendre des photos de la Creuse...
DSC01005-5.jpg
Elle a changé la flore du Berry
IMG_20191217_165732_1.jpg
Tout comme dans ma salle de bain!
WhatsApp Image 2019-12-22 at 21.28.10.jp
la petite loco
IMG_20191217_164347.jpg
Le nose
IMG_20191217_164045.jpg
Le nose barbu de San Jose

Il en reste que Suesca qu'on attendait depuis longtemps, n'aura pas failli à sa réputation de site mythique, c'est aussi magnifique à voir qu'à grimper!

Et maintenant qu'on a remodelés nos pieds aux chaussons et qu'on a racheté corde et dégaines, on va pas se priver: prochaine étape grimpe, un autre petit paradis: La Mojarra!

DSC01007-6.jpg

* La mierda: oui, c'est le nom de la voie et oui, elle le porte drôlement bien.

** Yoyo: c'est une moule.

*** Free solo: Oscar du meilleur film documentaire, je vous conseille à tous ce film sur l'ascension de El Capitan (915m tout de même) au Yosemite, sans assurage, par la super star Alex Honnold même si vous vous fichez bien de l'escalade.

bottom of page