Une école primaire
et des autels
Quand les petits hasards font les belles expériences
Le premier jour officiel des festivités, nous sommes sortis tôt avec le programme, l'appareil photo et la motivation.
Et finalement... et bien tout était en préparation, finalisation, peaufination.... bref rien n'était prêt, quoi.
Du coup, un peu perdus au milieu de la foule et de l'agitation, en regardant la devanture d'une école primaire, un monsieur nous propose d'entrer. Et on découvre la cour d'école en ébullition.
Dans un coin, des parents d'élèves remplissent des marmites posées sur des barbecue, façonnent des tacos en claquant la pâte dans la paume de la main, (petite pensées aux mamans françaises qui soupirent à l'idée des crêpes pour la fête de l'école: vous seriez mexicaines vous auriez dû aller sur place pour pétrir et former la pâte dans la cour, dans un confort et des conditions d'hygiène disons... sommaires)
Sous le préau et devant le gigantesque autel de l'école, à priori garni depuis 10 jours: un énorme tas de sable et des gens qui depiautent des ballots de fleurs.
C'est l'élaboration du "tapete" tapis de sable en l'honneur de leur prof Fransisco Toledo mort deux mois plus tôt.
Traditionnellement les tapis représentaient le portail entre la vie et la mort. Les préhispaniques utilisaient du bois, de la terre et des fleurs pour colorer le tapis.
Puis le christianisme à fait représenter des saints dans de la brique, du sable, du verre pilé et de la chaux.
Et maintenant on utilise du sable coloré et des fleurs, et on peut faire un portrait du défunt ou représenter ce dont il était féru.
Le "petit" autel, et le "non moins modeste" Tapete de sable, dédiés à leur prof intervenant d'arts plastiques
En tous cas c'est resté un symbole très important pour que les âmes rejoignent le monde des morts, et ça renvoie à la phrase biblique "tu es poussière et tu deviendras poussière".
Véritables oeuvres d'arts, gigantesques ou très fines, traditionnelles ou modernes, il existe un concours de tapetes à Oaxaca. Des artistes spécialisés ont pris la place des prêtres avec leurs tapis symboliques mais souvent moches.
Les écoliers ont décidé que représenter des saints c’était moins rigolo
De l'autre côté des sanitaires, dans la partie non bétonnée de la cour, ils se passent des choses étranges...
Un atelier peinture, un atelier papier mâché, jardinage, maquillage, couture, chorale, danse: adultes et enfants se mélangent en travaillant dans un très joyeux bordel.
Une petite question à un monsieur qui piquaient des fleurs sur un porche de fortune et hop: Visite, explications, invitation!
concentration maximale
Pétale par pétale...
Réunion au sommet: ça tient pas droit.
Quel travail fastidieux d'allumer toutes les bougies
Le monsieur - directeur de l'école - nous explique que tous les ans les enfants créent un cimetière dans la cour.
Des gens célèbres, des gens qu'ils aiment bien. Et ça ne rigole pas! Ils font ça très sérieusement! Le cimetière prend forme petit à petit, et ce soir ils pourront faire la fête dans leur cimetière comme dans un vrai!
Inauguration à 17h: "Revenez nous voir ce soir, ce sera la fête, il y aura de la musique, des spectacles et à manger!"
On peut donc visiter le "Panteón de personajes famosos" méticuleusement décoré. Des politiques, des militaires, des artistes, nationaux, régionaux, et leur prof.
On y trouve donc des tombes en carton, un tapete de sable et de fleurs, des statues et décorations spécifiques au jour des morts, et un petit panneau avec la biographie du défunt, parce que tout de même on est dans une école, à toutes fins utiles il s'agit de faire un exposé sur l'histoire et l'oeuvre de tous ces gens!
Le soir, comme promis, nous serons parmi les parents d'élèves à déambuler dans le cimetière et profiter du spectacle des enfants.
Le directeur présente les numéros uns par uns et la prof d'anglais traduit pour l'éventuel public non-hispanophone. Pour nous, quoi.
Ça récite des poèmes d'un des morts, ça chante la Llorona (si on ne l'entend pas 8 fois par jour cette chanson c'est qu'on l'entend 9 fois...) une danse, une biographie... ils sont sur leur 31 et sont hyper fiers de leur prestation.
Et il faut avouer que ça en jette! Ils ont soigné tous les petits détails, depuis l'entrée du cimetière à la décoration personnalisée de chaque tombe c'est fantastique!
Qu'est ce qu'on est ennuyeux avec nos cimetières tout gris!
Alvaro Carillo,"El Maestro", étudié par les 6ème C en classe de chant
La mort veille, et là elle fait un peu peur...
Bénito Juarez avait donc un chien.
Mort aussi visiblement.
Ils connaissaient bien leur prof:
jamais sans sa canette de bière!
Henestrosa: poète et sénateur de Oaxaca
Que serait un cimetière de célébrités sans Frida Khalo? Inconcevable!
Dans un cadre beaucoup plus officiel, la ville a invité toutes les différentes régions à préparer un autel typique dans le beau bâtiment de la bibliothèque publique.
On peut donc admirer les différentes décorations traditionnelles et modernes, les différentes offrandes et du coup les spécialités culinaires et l'agriculture de chaque région, les arts et sculptures d'artistes antiques ou plus contemporains.
Dans tous les cas c'est beau, chargé, coloré, et très représentatif de chaque personne célébrée.
De toute évidence on ne poserait pas un plat de chicon-gratin sur mon autel, ou une laitue sur celle de Bruno. Et bien certains ont un verre de leur liqueur préférée, un paquet de leur tabac habituel, de leur marque de coockies préférés, leur morceau du poulet favori...
Les petits pains sacrifiés sur l'autel de... de qui d'ailleurs?
un mort aux plaisirs simples: des fruits, du maïs, des haricots et des clopes.
Tous ces hommages, qu'ils viennent d'artistes ou d'écoliers témoignent d'un attachement profond et intime au respect des ancêtres et au monde des morts.